L'Oiseau et la Grenouille Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Sur une souche encor de branches couronnée,
Un oiseau se réjouissait,
Et dans ses chants il unissait
Le printemps de la vie au printemps de l'année.
Or la souche penchait au-dessus d'un torrent
Dont le passage dévorant
Creusait et dévastait la terre
Au pied de l'arbre séculaire.
- Ami, prends garde à toi, cria du bord de l'eau
Une grenouille qui s'y cache,
Ton arbre va tomber… la terre se détache…
- J'ai des ailes, répond l'oiseau.

Il n'est point ici-bas de choses éternelles,
Tout change et tout périt : mais notre âme a des ailes ;
Au-dessus des roseaux que le vent peut courber,
Prenons l'essor de la colombe.
Qu'importe que parfois la branche casse et tombe ?
L'oiseau peut y dormir sans se laisser tomber.

Livre II, fable 16


Symbole 16 :

Il n’y a pas de vie sans intelligence.
Il n’y a pas d’intelligence sans vie.
L’âme ne peut donc pas mourir.
La pensée et l’amour ont conscience de leur immortalité et ils peuvent tout oser, car leur règne ne finira pas.
Pourquoi le savant se sacrifie-t-il aux progrès de la science ?
- C’est que la science est immortelle.
Pourquoi le soldat va-t-il avec joie mourir sur le champ de bataille ?
- C’est que l’honneur est immortel.
Pourquoi doit-on tout souffrir plutôt que de manquer à sa conscience ?
- C’est que la conscience est immortelle.
La conscience de l’immortalité et l’enthousiasme qu’elle inspire sont les deux grandes ailes du sphinx qui représente l’humanité.
Avec ses épaules de taureau et ses griffes de lion il soumet la terre par le travail et par la lutte et il ne craint pas de creuser, car si un abîme s’ouvre devant ses pas, il relèvera sa tête d’homme, il ouvrira ses ailes d’aigle, et il planera sur l’abîme !


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