Pour le besoin de leurs Petits,
Un Rossignol et sa Compagne,
Un jour de grand matin se mirent en campagne ;
Mais par malheur ils furent pris,
Je ne sais trop comment, il suffit qu'on s'en doute,
Ils ne revinrent pas. au nid ;
Il est à présumer qu'ils périrent en route.
L'heure se paffe, et l'appétit
Se fit sentir à la couvée.
Chacun de son côté criait ;
Le plus dru, la tête levée,
A droite, à gauche regardait :
Ainsi se passa la journée
Parmi la faim, la crainte et les soucis ;
Pauvre famille abandonnée !
Nul ne fut senfible à vos cris.
Le lendemain avant l'Aurore
Nos Petits affligés avaient les yeux ouverts.
Le Soleil luit, rien ne paraît encore,
Et l'écho retentit de mille chans divers,
Tandis qu'au nid on se désole.
L'aîné de nos Oiseaux, ou du moins le plus fort
Aux autres porta la parole.
Mes Frères, leur dit-il, l'injustice du fort
Nous accable, eh pourquoi ? nos peines font cruelles :
Allons, il faut braver la mort.
Aces mots il se lève, étend ses faibles ailes,
Et monte sur le bord du nid ;
Il chancelle, il hésite, il penche ;
Il faute enfin sur une branche,
Puis descend sur une autre, et petit à petit :
Sans aucun mal arrive à Terre.
Il s'élance un peu dans le bois,
Et trouve pâture légère.
Sage, Nature, tu pourvois
A ce qui nous est nécessaire.
Il se repaît, et dans son bec
Aux autres porte la pitance,
Reprend sa route et sans échec
Remonte au nid, calme l'impatience
Où ses frères étaient : chacun d'eux bégayants
Par des sons non formés veut exprimer sa joie ;
Alors il dépose sa proie,
La leur partage, et chacun est content.
A peine ont- ils mangé, derechef il se livre
Aux dangers qu'il avait couru ;
Il fort, revient, apporte de quoi vivre.
Ainsi pendant un tems on le vit assidu,
Et fit tant qu'il mit la nichée
En état de quitter le logis paternel.
Nulle raison n'est attachée
Aux Animaux, le fait est bien réel ;
L'instinct les fait agir, j'approuve l'axiome.
Mais ce qui me surprend, j'y vois un naturel
Que je n'aperçois pas dans l'homme.