Le milan, l'épervier, le faucon, le vautour
Et maint autre oiseau de rapine
Voyaient périr de jour en jour
Leurs espèces par la famine,
Tant les pigeons jusqu'aux simples moineaux
Et même aussi, dit-on, les petits animaux
Contre eux étaient en garde.
Le plus vieux des milans,
Dans le danger qui tous de si près les regarde
Et fait de jour en jour des progrès violents,
Des égorgeurs ailés convoque l'assemblée.
Là maints avis tour à tour agités
Sont tour à tour admis et rejetés.
Enfin il s'en présente un qui passe d'emblée.
D'une commune voix
On arrête qu'au nom des rois
Des bandes carnivores
Qui dévastent les airs,
Il sera publié, dans cent endroits divers,
Qu'elles n'entendent plus être que frugivores ;
Vers le maître des dieux
Qu'elles vont envoyer oiseaux de suffisance
Pour faire homologuer la présente ordonnance,
Puis, comme loi, la faire observer en tous lieux ;
Que provisoirement par l'aigle entérinée
L'exécution même en est préordonnée ;
Et qu'enfin dame pie au merveilleux caquet,
Et sire perroquet,
L'annoncerónt à son de caisse ou de trompette.
La proclamation par-tout de suite est faite.
Lors pigeons et linots, et merles et pinsons,
Enfin tous de sortir pour ouir ces chansons ;
Tous de s'entretenir de l'heureuse nouvelle ;
Tous de se l'assurer sincere autant que belle ;
Tous, en un mot, d'aller sur la foi de l'édit,
Folâtrer dans les airs, chanter sous la feuillée.
L'aurore chaque jour est à peine éveillée
Que de ses joyeux sons maint oiseau l'étourdit.
Mais, las ! tant de bonheur n'est que la vaine image
D'unbeau songe que suit un réveil plein d'horreur.
Pendant leurs doux ébats, sur tous avec fureur
L'ennemi fond et fait le plus affreux carnage.