Le Hibou et le Pinson Étienne Azéma (1776 - 1851)

Un Hibou chargé d'ans et gonflé de tristesse,
Vivait retiré dans son trou.
Il faisait dans l'ennui consister la sagesse ;
Et mon Hibou
N'était qu'un fou.
Un beau matin, l'anachorète,
A quelques pas de sa retraite,
Vit un joli petit Pinson,
Leste, vif, comme un papillon,
Qui chantait sa chansonnette,
Courait, de branche en branche allait,
Volait, jouait, caracolait,
Faisait de tout son amusette.
— Regardez-moi cet étourdi !
Disait le triste oiseau. Que la jeunesse est folle
De perdre ainsi son temps ! Çà, mon petit ami,
Apprenez vos leçons et soyez moins frivole.
Votre père est bien criminel
De vous laisser jouer. Quittez-moi ces pensées ;
Occupez-vous plutôt de vos fautes passées ;
Et tâchez de gagner le ciel,
— Merci, dit le Pinson. L'indulgente nature
M'a mis au monde pour jouir ;
Et mon cœur de ce soin s'acquitte avec usure.
Quand vient la saison du plaisir,
Parmi quelques Pinsons je choisis ma femelle ;
Je l'aime d'amour tendre, et couvre de mon aile
D'abord les oeufs, puis les petits.
Ce temps passé, sous la feuillée
Je vais retrouver mes amis ;
Plus de souci, plus de veillée.
Si par hasard l'un d'eux a faim,
Je partage avec lui mon grain.
Quittez votre misanthropie ;
Plus d'indulgence, et moins d'accès :
La sagesse devient folie,
Sitôt qu'on la pousse à l'excès.

Livre III, Fable 5




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