Au pied d'un vieux sapin, robuste enfant du Nord,
Entraîné par le vent, un Liseron débile
Avait élu son domicile.
Le faible est rarement protégé par le fort :
Mon étranger le fut ; et prenant son essor,
Grâce à son abri tutélaire,
Le voilà qui grandit, s'enracine, prospère,
Grimpe autour de son protecteur ;
Et bientôt au-dessus levant sa tête altière,
Se vante insolemment d'effacer sa hauteur.
Mais son modeste bienfaiteur :
« Insensé, lui dit-il, à ton impertinence
Je ne dois que mépris.
Poursuis jusques au bout.
Un plus puissant que moi châtîra ton offense :
Je laisse faire au Temps ; il corrige de tout. »
En effet, l'hiver vint ; mon ingrat fut sa proie.
Ainsi passa sa folle joie ;
Et mon Sapin resta debout.
C'est un tort d'oublier un important service ;
Mais y joindre l'injure, est le comble du vice.
Pourquoi s'enorgueillir dans la prospérité ?
Sa faveur, de bien près, touche à l'adversité.
De tous nos vains projets la fortune se joue ;
Craignons son caprice incertain :
Tel aujourd'hui qui monte sur sa roue,
Peut-être en descendra demain.