Le Laurier Fleury Donzel (1778 - 1852)

César-Laurier à Jacques-Saule,
Adressait ainsi la parole :
Quoique vous parliez bas, je vous entends, voisin.
Vous vous plaignez de l'injustice
De ce Dieu si plein de caprice,
Que la Grèce appela Destin.
Un bûcheron, de cette rive
Vous emportera quelque jour ;
Et votre unique pespective
Est d'aller chauffer quelque four :
Tandis qu'ici j'attends que la main d'une belle,
Avec de délicats ciseaux,
Détache mes rameaux,
Et, de leur verdure éternelle,
Pare le front des vainqueurs et des rois ;
Car c'est pour eux seuls que je crois.
Il en aurait dit davantage,
Si, Justine, qui le cherchait,
N'eût arrêté cet insolent caquet.
Coupant, brisant le fier et beau feuillage,
Elle l'emporte en son ménage.
L'orgueilleux est réduit à rehausser le goût
Ou d'une crème ou d'un ragoût.

On rencontre souvent en France
De ces gens pleins de suffisance.
Écoutez ces messieurs, et le gouvernement
Leur doit les emplois d'importance.
Ils vont les obtenir. Qu'arrive-t-il souvent ?
Dame Fortune en ordonne autrement.
Semblables au Laurier, tous ces gens de mérite
S'en vont communément bouillir dans la marmite.

Livre I, fable 9




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