Il n'était pas d'horreurs, de crimes, de forfaits,
Qu'en sa jeunesse,
Un Renard bas-normand n'eût faits ;
Et même encore, en sa vieillesse,
Il vous expédiait chaque jour chez Pluton
Soit un tendre chapon,
Soit une innocente poulette,
Soit un coq, soit une canette.
Riche, ayant du comptant et bonne basse-cour,
Chacun venait le' voir et lui faire sa cour,
Non pour lui, mais pour sa cuisine,
Laquelle avait toujours appétissante mine,
Un parfum délicieux !
Renard aux yeux de tous passait pour être heureux,
Car il avait en abondance
Tout ce qui fait en apparence
Sur cette terre le bonheur :
Santé, fortune, et train de grand seigneur.
Une chose manquait à notre sybarite :
Rarement le sommeil approchait de son gîte ;
Et quand parfois maître Renard
Venait à fermer l'œil, un affreux cauchemar
Soudain lui retraçait ses larcins et ses Crimes,
Et ses innocentes victimes
Qui toutes, à l'envi, sautant avec fureur,
Venaient à coups de bec déchiqueter son cœur,
Et lui criaient, dans leur vengeance,
En quittant ses riches paliers :
« Une mauvaise conscience,
Est le plus dur des oreillers. »