Le marteau disait à l'enclume :
« Oses-tu bien me comparer à toi ?
Qui te rend donc si vaine ? Est- ce par ton volume
Que tu veux l'emporter sur moi ?
À la bonne heure ; encor n'es-tu pas la plus forte,
Car, sans broncher, tu ne peux sur ton dos
Souffrir les coups que je te porte ;
Et, pour terminer en deux mots,
Je fais tout, entends-tu ? Voilà la différence
Qui se trouve entre nous, puisque tu ne fais rien.
Qui bat le fer que moi, qui forge, qui fait rage
Du matin jusqu'au soir ?... eh bien !
Dis-nous donc que c'est toi !.. » De tout ce bavardage
Un épais forgeron ne perdait pas un mot :
» Parbleu, dit-il, en voici bien d'une autre !
Quelle impudence est donc la vôtre ?
On ne me compte point ! » Il saisit le marteau ;
Je ne sais pas ce qu'il en allait faire,
Mais l'insolent se tut bientôt.
Un voisin passe, on lui conte l'affaire ;
Il en rit aux éclats. » Bah ! dit-il, ce n'est rien
Bon forgeron, ris, et tu feras bien
Car te fâcher serait pure sottise. ;
Nous voyons tous les jours même chose ici-bas,
Où force gens, quoi qu'on leur dise
Veulent passer pour ce qu'ils ne sont pas.
Que ferais-tu contre un pareil délire ?
Crier ?... Va, mon ami, le meilleur est d'en rire. »