Les deux Singes Henry Macqueron (1851 - 1888)

Un Singe, à son cousin pour montrer sa souplesse,
Au trapèze se balançait,
Puis dans l’espace il bondissait,
Quand il fut pris au vol. Une corde traîtresse,
Corde ballante, et que tenait un clou,
S’était entortillée à l'entour de son cou.
Plus le pendu s’agite et se démène,
Mieux il se pend, et serre le licou.
Déjà sa langue est longue, et sa fin bien prochaine.
L’amour du vivre enfin inspire : c’est
Aussi haut qu'il pourra d’empoigner le lacet.
Il se soulève un peu; même il reprend haleine.
Son ami, jusque-là d’épouvante en suspens,
Le nez en l’air, roulait dans tous les sens
Deux gros yeux effarés, et grinçait d’impuissance;
Quand soudain, ô l’idée heureuse! ô délivrance !
Sur le bout de la corde il se jette d'un bond.
Travailleur plus ardent que sage,
Il secoue avec force, il secoue avec rage,
Du souffle au patient il bouche le passage.
N’importe, il va son train, tirant le moribond,
Comme un sonneur tire la cloche.
Quand de tirer enfin il est rendu,
Le lacet se lâchant, le pendu se décroche,
Et sans mouvement tombe. Il a le cou rompu.
L’autre, ébahi, criait : « Miséricorde !
Ce pauvre ami, s'il avait pu
Patienter un peu, j’allais casser la corde, »
Du sot ami qui cherche à nous sauver,
Daigne le Ciel nous préserver !

Fable 39




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