Jeune Serin,
Dès le matin,
Dans une cage,
Où l'esclavage
Le retenait,
Gaîment chantait.
Par son ramage
Il étonnait
Le voisinage.
Est-ce être sage,
Lui disait-on ?
Change de ton ;
Chante tes peines :
Le poids des chaînes
Est redouté.
La liberté
Qui t'est ravie,
Est le seul bien
Sans qui la vie
Doit n'être rien.
Quand la verdure
À la nature
Rend sa beauté,
Quand tout s'empresse,
Quand la tendresse,
La volupté,
Disent sans cesse
C'est le moment :
Plus d'un amant,
Dans son délire,
A leur sourire
Ouvre son cœur ;
Et la Bergère,
Sur la fougère,
Rêve au bonheur.
Toi, sans alarmes
A ton réveil,
Quand le soleil
Doit voir tes larmes,
Par tes chansons
Toujours nouvelles,
Par tes doux sons,
Tu nous appelles !
De quel plaisir
Peux-tu jouir ?
Quand on respire,
Dit le Serin
Des maux le pire
C'est le chagrin.
Je fuis esclave !
Eh bien ! je brave
Tous mes revers ;
Et dans les fers
Qui me retiennent,
C'est pour ma voix
Que je reçois
Les biens, parfois,
Qui me reviennent.
Je fais valoir
Mon doux ramage :
C'est être sage ;
On peut le voir.
Le désespoir
Serait la source
De maux plus grands :
Puisque mes chants
Sont ma ressource,
Il faut du moins
Qu'à mes besoins
Ce qui me reste
Puisse servir.
Tout fort funeste
Peut s'adoucir.