Le Loup et les Brebis Ignacy Krasicki (1735 - 1801)

Les Brebis et le Loup conclurent un traité.
Que voulaient celles-ci ? rien que leur sûreté.
Profitant donc de cette circonstance,
Dames Brebis, dans leur prudence,
Se flattèrent, dit-on, .de stipuler si bien ,
Qu'au contrat il ne manquât rien.
Puisse la paix enfin charmer leur existence...!
J'aurais voulu, pour moi, qu'un bon chien eût été
Garant de ce traité :
La bonne foi du Loup me met en défiance...
Au bout de quelques jours, notre animal glouton,
Encor plus affamé de la chair de mouton,
En plein midi dévore un agneau dans la plaine.
Les Brebis de crier.... « De quoi vous plaignez-vous ?
Leur dit-il : le traité qui fut fait entre nous,
Ne dit mot des agneaux.... » La gent qui porte laine
Se tut... Le Loup, plus tard, étrangle une brebis.
Sur ce, grandes clameurs : le cas était bien pis !
« Que voulez-vous ? dit-il, l'imbécile est venue,
Ce matin, se livrer elle-même à ma dent;
Est-ce ma faute à moi ?.... » Sire Loup, cependant,
Avec audace continue :
Il en avait pris une, ensuite il en prend deux.
On se plaint vivement; mais lui, d'un ton mielleux:
« Qui ? moi ! dit-il, moi ! je les aurais prises?
Ah ! je n'ai fait qu'aider » Toutes ces entreprises.
Augmentant les clameurs, il s'en rit, le bourreau;
Et pour attaquer soit qu'il use
Ou de la force, ou de la ruse,
Il s'excuse toujours... et mange le troupeau.
Petits princes, tremblez ! Quelque tort qu'on vous cause,
Ne pouvant l'empêcher il faut le supporter
De la part du plus fort, qui sait interpréter
Ou colorer la chose.

Livre III, fable 10




Commentaires