Un jeune élève d'Hippocrate
Soignant un gros bourgeois qui souffrait de la rate,
Fit l'épreuve sur lui d'un remède nouveau,
Remède fort vanté, mais dont on n'usait guère:
Des médecins d'alors fa méthode vulgaire
Etait de n'ordonner que la diète, l'eau,
L'eau, la diète et la sangsue;
Rien de plus, rien , c'était chose reçue.
Or donc, notre jeune Docteur
Obtint de son remède un succès très flatteur :
Le bon bourgeois, dès la première dose,
Éprouva du soulagement.
« Allons ! dit le Docteur, voilà le bon moment:
Je connais votre mal, je sais ce qui le cause;
Il ne faut pas qu'on se repose,
Prenez, prenez de ce médicament :
Il vous a fait du bien, il doit en faire encore;
Je suis sûr de la guérison!
Ce remède est prôné ; ce n'est pas sans raison,
Et l'inventeur, ma foi, mérite qu'on l'honore...! »
Le pauvre patient, au retour de l'aurore,
Prend la deuxième dose et s'affaiblit beaucoup....
« Eh! c'est trop peu! prenez, prenez, encore un coup,
Dit le Docteur ; prenez, cela fera merveille;
Si vous voulez guérir, finissez la bouteille... »
Le bourgeois obéit... O caprice du sort !
A la troisième dose, il se pâme...., il est m'Oit V.

La chose la meilleure, alors qu'on en abuse,
Devient un poison assassin.
La médecine est bonne, et pourtant on l'accuse ;
Ne vaudrait-il pas mieux s'en prendre au Médecin ?

Livre I, fable 14




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