Un conseil, s'il ne vient de haut,
N'est bien accueilli par personne ;
On devrait peser ce qu'il vaut,
Sans considérer qui le donne.
Un jour, au fond d'un bois épais,
Un aigle et sa compagne, après un long voyage,
D'un bosquet solitaire avaient choisi l'ombrage
Pour s'y fixer et vivre en paix,
Déjà, sur le sommet d'un cèdre centenaire
L'aigle s'était posé pour y bâtir son aire,
Et, plein d'un doux espoir, il pensait, aux beaux jours,
Y pouvoir abriter le fruit de ses amours.
Une taupe du voisinage,
Entendant par hasard ses projets d’avenir,
Vint humblement le prévenir
Qu'il est en l'autres lieux à fixer son ménage ;
L'arbre dans sa racine étant déjà pourri
Sa ruine était proche, il serait donc plus sage
De chercher pour son aire un moins fragile abri.
Mais de l'aigle l'humeur si fière
Pouvait-elle admettre un conseil
Venant un animal pareil
Et sort d'une taupinière ?
Quoi ! l'oiseau si vanté, dont les puissants regards
Contemplent le soleil dans les plus hautes sphères,
Souffrirait qu'une taupe eût assez peu d’égards
Pour se mêler de ses affaires !
Parler à telle engeance était trop s'abaisser.
D'un si pauvre conseil sans plus se mettre en peine,
L'aigle, que d'autres soins semblaient alors presser,
Prépare le séjour qu'il destine à la reine,
Jusque-là tout va bien ; nos époux triomphants
Dans leur nid fécondé voient naitre des enfants.
Mais qu'advint-il? Des airs franchissant l'étendue,
Daigle, un jour, de son nid parti, dés le matin,
Rapportait aux aiglons un opulent butin;
Quel spectacle a frappé sa vue!
Le chêne élit tombé, sous leur abri natal
Les petits expirants gisaient avec leur mère !
L'aigle atterré se désespère
Et pleure son destin fatal.
« Hélas! dit-il, le ciel m'inflige un dur supplice !
Mais qui pouvait penser qu'un chétif animal
Devait par ses conseils me rendre on bon office
—Ah ! lui répond La taupe, au bord de son terrier,
Si tu m’avais moins méprisée,
Tu saurais que, sous terre exerçant mon métier,
J'ai ma demeure ici creusée.
Tu le vois donc, j'ai pu d’en bas,
De ton malheur savoir les causes :
Les gens d’en bas voient bien des choses
Que ceux d’en haut n’observent pas. »