Desséché par le vent dans un champ solitaire,
Triste, près de mourir, sans force et sans chaleur,
Un bluet inclinait sa tète vers la terre,
Et sa voix aux zéphyrs murmurait sa douleur :
« Que le jour est lent à paraitre !
Et pourtant, lorsque Je soleil
Aura doré les champs de son éclat vermeil ,
Peut-être à ses rayons pourrai-je encor renaitre !
— Tu n’es pas, mon cher, assez sot
Pour t'abuser ainsi, j'espère,
Lui repartit un escarbot
Qui, près de là, fouillait la terre.
Crois-tu que le soleil n'ait pas autre souci
Que de voir si tu nais ou si tu meurs ici ?
Il n'en a, sois-en sûr, ni le temps ni l'envie.
Tu ne sais rien, mon cher, des choses de la vie !
Comme moi de ce monde observant les secrets,
Dans les airs, en volant, si tu pouvais me suivre,
Tu comprendrais que seuls les champs et les forêts
Sont nés pour le bonheur, et seuls ont droit de vivre.
Si le soleil veut bien dispenser ses chaleurs,
Ce n’est qu'au cèdre altier, ce n’est qu'au chêne immense.
Ses rayons, il est vrai, daignent donner aux fleurs
Des parfums embaumés et de riches couleurs;
Mais des fleurs avec toi grande est la différence !
Tel est leur prix et leur beauté
Que le Temps, qui ne plaint personne,
Est pourtant lui-même attristé
Quand de sa faux il les moissonne ;
Mais toi, quel est ton charme et quel est ton parfum?
Ta voix pour le soleil n'est qu’un bruit importun.
Nul rayon ne prendra la peine
De venir te chercher. Crois-moi,
N'attends plus rien, ta plainte est vaine ;
Sèche, et tais-toi ! »

Mais le soleil parait; sur la nature entière
Il répand à grands flots ses feux et sa lumière ;
Sur l'empire de Flore un rayon a passé ;
Tout renait, tout se vivifie,
Et le pauvre bluet, que la nuit a glacé,
Sous le regard du ciel a retrouvé la vie !

Vous qu’au faîte des dignités
Le pauvre en suppliant contemple,
Oh! que de mon soleil les libéralités
Vous soient d'un salutaire exemple !
Voyez : par lui tout vit, par lui tout est heureux !
Ses soins, comme au cèdre superbe,
Partout où vont briller ses rayons généreux,
Sont prodigués méme au brin d’herbe.
Ainsi qu'un par cristal scintille aux feux du jour,
Le eeeur de tout mortel s’embrase à son image,
Et l'univers entier, par un hymne d’amour,
Le bénit et lui rend hommage !

Livre I, fable 7




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