Abattue au printemps par une main cruelle,
Une pauvre fauvette avait perdu le jour.
Passe encor si le sort n'eut ainsi frappé qu'elle,
Mais son malheur, hélas ! atteignait à leur tour
Trois petits orphelins , doux fruit de son amour.
Torturés par la faim , le froid et la misère,
Les petits innocents nouvellement éclos,
Faibles et sans appui, redemandaient leur mère,
Et de leurs cris plaintifs fatiguaient les échos.
« Quel œil avec indifférence
De ces infortunés pourrait voir la souffrance ?
Qui n'en est point ému porte un cœur de granit,
Disait maître renard assis sur une pierre,
D'où, l'œil de pleurs humide, il contemplait leur nid.
Oiseaux, écoutez ma prière!
Laisserez-vous périr ces enfants sans secours ?
Donnez chacun un grain et quelques brins de mousse
Pour réparer leur nid, et vous sauvez leurs jours!
Est-il œuvre plus sainte et charité plus douce?
Vois un peu, coucou, mon ami,
La mue a fait tomber ton plumage à demi.
Sans profit ta parure ainsi serait perdue;
Viens en faire un doux lit à leur pauvreté nue.
Pourquoi, vive alouette, au vol aventureux,
Aller, en tournoyant, t'ébattre dans la nue?
Dans les prés, dans les champs, la graine est répandue
Cherche-la pour toi-même et gardes-en pour eux.
Et toi, dont la progéniture
Grande et forte n a plus besoin,
Pour recueillir sa nourriture,
De recourir à ton doux soin,
Quitte un moment ton nid, plaintive tourterelle,
Et d'une mère absente ici viens tenir lieu ;
A ces pauvres enfants pour consacrer ton zèle,
Tu laisseras les tiens sous la garde de Dieu.
Hirondelle, à travers l'espace
Presse ton vol et va saisir,
Pour flatter leur friand désir.
L'imprudent moucheron qui passe.
Tes chants, bon rossignol, ont des charmes puissants,
Tu le sais, des petits pour fermer la paupière,
Lorsque les zéphyrs caressants
Balanceront du nid la branche hospitalière,
Viens les bercer aussi de tes plus doux accents. .
Ainsi, votre active obligeance
Pourra, par des soins assidus,
Aux orphelins dans l'indigence
Rendre les biens qu'ils ont perdus.
Et nous aurons à tous prouvé que noire espèce
Garde encor, dans les bois, des cœurs compatissants... »
Comme il parle , agités par la faim qui les presse,
Les petits dans leur nid se tordent languissants ;
Ils tombent sur le sol... Le glouton les avale,
Et , par là mettant fin à leurs besoins pressants,
Met aussi fin à sa morale.
D'un pareil dénouement ne sois pas trop surpris,
Lecteur; celui qui veut compatir aux misères
Prodigue, sans vains mots, ses bienfaits à ses frères,
Et sait que le silence en doit doubler le prix.
Mais de la charité les plus bruyants apôtres
Sont gens qui font avec l'argent des autres.
Sans débourser, chez leurs voisins,
Ils s'en vont prêcher à la ronde,
Et du renard , dans notre monde,
Je les croirais un peu cousins.