La fuite d'Énée Jacques Cazotte (1719 - 1792)

Énée un fort grand capitaine.
Lorsqu'il fuyait d'ilion embrasé,
Conduit par les destins vers l'Italique plaine ,
Sous un grand poids il semblait écrasé.
Sur son dos est son père Anchise,
Sous ses bras sont ses demi-dieux d'airain.
Son fils et sa femme en chemise,
Le tenant tous deux par la main.
Sur le dos de la valetaille,
Il laissait indifféremment
La garde-robe et la mitraille.
Qu'est-ce que l'étoffe et l'argent ?
Il est bien vrai qu'un impudent,
Un escroc bien digne de blâme,
Subtilement lui déroba sa femme.
Quand il passait pies d'un détour,
Qui le forçait à tourner court.
Voyez la mauvaise fortune!
Il en eut bientôt deux pour une :
Sur un trône il alla s'asseoir.
Mais supposons que le destin contraire
L'eût accablé , bien loin de le pourvoir ;
Fût-il rentre dans la classe ordinaire ?...
S'il est commun de remplir son devoir,
Quand on risque tout à le faire.
On peut tomber alors, mais sans déchoir ;
On est toujours au-dessus du vulgaire.

Fable 21




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