La Mouche à miel et le Cloporte Jacques Cazotte (1719 - 1792)

La Mouche à miel et le Cloporte.
UNE ouvrière en miel, par les efforts du vent,
Est livrée au cours d'un torrent :
Une esquille de bois la porte.
A son malheur, un accident
Associait un Cloporte,
Echappé d'un taudis dont il fut habitant ;
Un sort commun tous les deux les emporte.
On aurait le cœur méfiant,
Que le destin en vous réunissant,
Même à l'intimité vient entr'ouvrir la porte.
Qu'allons-nous devenir, dit l'insecte trottant?
Le jouet du hasard, dit l'animal volant,
C'est ici, je le vois, votre premier voyage.
Peut-être le courant nous conduit au rivage,
Atteignons un brin d'herbe, à la terre attache,
Un roseau , dont ici le terrain est jonché,
Nous monterons dessus. Mes ailes étendues
Y reprendront bientôt leurs forces abattues.
Mon dos devient alors un moyen sur et doux
D'atteindre au gîte fait pour vous.
Mais mes pieds, qu'au travail destina la nature
Craignent beaucoup t'humidité :
Sur les vôtres je me rassure,
Pour me conduire au point prémédité.
Eh quoi ! si je n'ai la berlue ,
Le jonc dont je parlais se présente à la vue.
Nous l'atteignons : nous y touchons ; au fait,
Portez-moi, traînez-moi, jusque vers le sommet.
Vous qu'unit, par hasard, la fortune contraire,
Combinez vos moyens ; vous sortirez d'affaire.

Fable 30




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