Le Coche et les Oisons Jacques Cazotte (1719 - 1792)

Un jour que, par un beau soleil,
Le Coche prolongeait les coteaux de Corbeil,
Une bande d'Oisons se trouva sur sa route.
Les rayons qui partaient de la céleste voûte
Venant frapper sur le cordeau,
En renvoyaient l'ombre dans l'eau.
On voit courir cette ombre agile,
Menaçant d 'un objet, dont l'aspect les confond,
La misérable volatile.
La terre n'offre point d'asile :
Plonger deviendrait inutile.
Si le plus grand danger se rencontrait au fond.
La frayeur conseillant la fuite,
En avant on se précipite,
On s'encourage de la voix.
On nage et l'on vole à la fois,
Sans pouvair s'écarter du péril qu'on évite.
Alors qu'on nous vient assaillir,
Si l'on ne gagne rien à fuir,
C'est au danger qu'il faut courir.
Il faut qu'un Oison dans sa langue
Aux siens ait fait cette harangue,
En ajoutant, vaincre ou périr.
Le peloton fuyard se retourne, fait face,
La frayeur se change en audace.
D'un vol bien calculé, quoiqu'il fût très-pesant,
On franchit l'objet menaçant.
Lui-même fuit alors : la victoire est complète.
Pour célébrer ces succès éclatants,
Tous nos héros font sonner la trompette.
Ce qu'on a vu jadis, chaque jour se répète,
Si ce trait que j'ai peint vous semble assez brillant,
À la suite d'une retraite,
Mithridate en a fait autant.

Fable 44




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