Dédains et Regrets Jean-Aimé Gaudy-Lefort (1773 - 1850)

À l'extrémité d'une allée,
Sentier joli, riant chemin,
Sous un berceau que le jasmin
Parait de sa fleur étailée,
Pauline un matin travaillait ;
Pauline était aimable et belle,
De maints talents elle brillait,
Mais certaine fierté rebelle
La dominait pour son malheur ;
Rien n'était assez bien pour elle,
Rien ne satisfaisait son cœur.

Sa mère vient et dit : Ma chère,
Pose ton aiguille un moment,
Et va, dans ta course légère,
Le long de ce sentier charmant,
Me choisir une belle rose.
Parmi tant d'arbustes jolis
Dont nos gazons sont embellis,
Facile à toi sera la chose.
Mais écoute bien, mon amour :
Ne la détache de sa tige
Qu'en allant, et point au retour.
Ta bonne mère ainsi l'exige.

Pauline avec empressement
Suit l'allée, et soigneusement
Visite, examine, compare,
Cherchant la rose la plus rare
Et de la plus riche couleur,
Et du plus délicat feuillage ;
Puis elle revient sous l'ombrage
Faire l'offrande de sa fleur.

Hé quoi ! dit la mère étonnée,
C'est là la rose de ton choix !
Mais elle est sans fraîcheur, tu vois ;
Les grâces l'ont abandonnée,
Et sa tête à demi fanée
Déjà s'effeuille sous mes doigts.

Ah ! maman, j'en suis désolée ;
Mais, toujours comptant mieux choisir,
J'ai de la verdoyante allée
Atteint le bout sans rien cueillir.
Cette rose était la dernière,
Et, quoique chétive et vulgaire,
Sans parfum qui pût me flatter,
Il a fallu m'en contenter.

Ma fille, reprit la mère, c'est un petit apologue en action que je viens de te faire jouer, et l'un des cent actes divers de cette comédie dont parle l'auteur divin que nous relisions tout à l'heure. J'espère que tu en comprends la moralité : l'Allée, c'est ta jeunesse ; les Roses sont les prétendants à ta main.





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