Monsieur de Bridoison avait, suivant mon goût,
Dans sa maison des champs mis des cages partout.
Combien ? deux cents ? trois cents ? peut-être davantage :
Pour tout dire, en un mot, c'était cage sur cage.
Là vivaient rassemblés chardonnerets, moineaux,
Perroquets, merles, geais, agaces, étourneaux ;
De leurs cris, de leurs chants l'assourdissant mélange
Déchirait le tympan d'une façon étrange :
Aussi chacun fuyait ce bacchanal,
Digne en tout point du séjour infernal.
Mais cette cacophonie
A monsieur Bridoison donnait plus de plaisir
Que la savante harmonie
Du plus bel opéra : c'était tout son désir.
Notre homme cependant n'avait point d'hirondelle ;
Il en séchait d'ennui. L'épervier, certain soir,
Par l'air en poursuit une ; elle entre en son manoir ;
Notre homme la saisit. Que tu me parais belle !
Lui dit-il ; je peux, dieu merci,
Te loger dignement ici :
Or çà, dépêchons-nous, entre dans cette cage ;
Que j'entende à loisir ton joli babillage.
Mais, dis-moi, quel esprit mutin
Te fait mouvoir ? veux-tu te rompre la cervelle ?
Calme-toi donc, petit lutin.
Ne trouverais-tu pas ta demeure assez belle ?
Eh bien, tu vas quitter cette cage de fer
Pour ces barreaux dorés : allons, petite folle,
Ta porte s'ouvre, viens. Mais, prompt comme l'éclair,
Au nez de l'amateur notre oisillon s'envole,
Et nous prouve, en dépit de monsieur Bridoison,
Qu'il n'est point de belle prison.