L'Oison et sa Grand-mère Jean-Auguste Boyer-Nioche (19è siècle)

Grand'maman, qu'est-ce donc que j'aperçois dans l'air ?
Mon ami, c'est l'oiseau chéri de Jupiter.
Grand'maman, comme il plane ! il se perd dans la nue ;
Je l'ai tant regardé que j'en ai la berlue.
C'est ainsi que je veux voler.
Regardez donc mon aile. Oui, je peux l'égaler,
Comme lui m'aller perdre au séjour des orages,
Et des autres oiseaux lui ravir les suffrages.
Allons, considérez, je vais prendre l'essor,
Et m'élever si haut ! Non, ne pars pas encor ;
Réprime les élans d'une indiscrète joie,
Ou crains les traits malins, lui dit notre vieille oie,
Des habitants
De ces étangs.
Oh ! oh ! reprit l'oison, vous nous la donnez belle,
Et frappant l'onde de son aile,
En pointe, il veut s'élever vers les ci eux.
Mais, dans leur vol, on sait que la nature
Voulut que les oisons eussent une autre allure,
Et qu'ainsi l'horizon fixa toujours leurs }eux,
Tandis qu'elle permit au fier oiseau des dieux
De fixer le soleil d'une forte prunelle,
Et de monter tout droit à la voûte éternelle.
Ce qui fit que l'oison, imbécile animal,
Retomba lourdement dans son marais natal,
canards et plongeons se firent une fête,
Par leur joyeux sabbat, de lui rompre la tête.
Lors, sa bonne maman lui dit :
Te voilà donc tout interdit ?
Tu le vois, à présent ? tu voulais l'impossible :
Au vol des aigles seuls l'Olympe est accessible.

Livre IV, fable 25




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