Le Tableau et la Bordure Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Dans les ventes, le laid se mêle avec le beau.
Un ignorant Crésus, séduit par l'apparence,
Piège où ne manque point de tomber l'ignorance,
Venait d'acheter un tableau.
La bordure était magnifique,
Mais c'était tout...
Vous arrivez à temps ; d'avoir un peu de goût
Mes amis, vous savez, dit-il, que je me pique ;
Observez ce tableau. Les sots de l'admirer,
Les sots formaient les trois quarts de son monde.
Devinez-en le prix. Eux de l'exagérer.
Un homme instruit et franc l'examine ; il en fronde
Et la couleur et le dessin ;
Au discours il joignait la preuve,
Raisonnait juste, mais en vain ;
Sa langue pour eux était neuve :
De l'ouvrage du peintre occupé tout entier,
Il ne voyait doreur ni menuisier.

Selon le rang, éloges ou censures.
Très rares sont les connaisseurs,
N'en déplaise aux admirateurs :
Que ne pauvres tableaux dans de riches bordures !

Livre IV, fable 8




Commentaires