Un jeune cerf, ou plutôt un daguet ,
En un bois l'autre jour paissait ,
Dans la sécurité que donne l'innocence.
Il entendit les cors , les chiens et les chasseurs,
D'un funeste plaisir tous les avant- coureurs ;
Etonné , sans expérience ,
Qu'est-ce donc que j'entends , et quel vacarme affreux,
Disait-il , vient troubler la paix de ces beaux lieux ?
Le malheureux ne pensait guère
Qu'il était l'objet de la guerre
Dont les hommes se font un barbare plaisir ;
Qu'innocent , il devait périr.
Les chiens lancés , suivent la piste ,
Le surprennent à l'improviste.
Notre daguet , dans ce danger pressant ,
Prend la fuite et court lestement.
Au bout d'une route il débuche ;
Mais las ! où trouver un refuge ?
Deux bergères , dans ce moment ,
Au coin d'un bois filaient tranquillement.
Le fugitif les voit , puis s'approche et réclame
Leur amitié , leur secours , leur crédit ,
En leur disant je suis un malheureux proscrit,
Et je ne sais quelle fureur enflamme
Contre moi les chiens , les chasseurs :
Qu'ai-je donc fait pour toutes ces horreurs ?
Les bergères répondent à ce triste langage :
Votre sort est affreux , excite la pitié ;
Entre nous deux , acceptez un asyle ,
Nos faibles soins , notre amitié :
Reposez-vous, soyez tranquille ,
Nous ferons tout pour vous sauver
Si l'on daigne nous écouter.
La meute poursuivait la trace
Les chasseurs arrivent bientôt
Les deux bergères aussitôt
Leur dirent : accordez la grace
A ce pauvre petit , nous vous en supplions ,
Et c'est à vos genoux que nous la demandons.
Ah ! quel plaisir pouvez- vous prendre
De mettre à mort un animal si doux ?
A la pitié daignez vous rendre ;
Voyez nos pleurs , nous refuserez - vous ?
Les chasseurs , pour toute réponse ,
Ne font que rire du discours ;
Et malgré ce faible secours "
L'arrêt de mort se prononce.
Un des piqueurs, terrible et vigoureux ,
L'arrache de leurs bras , le lance dans la plaine.
L'infortuné court à perte d'haleine ;
Mais dans l'instant le malheureux
Est suivi de nouveau : sa perte était jurée ;
Il succombe , il est aux abois ;
Les chiens furieux à-la-fois
Le déchirent et font la sanglante curée.
L'homme toujours parle d'humanité ;
Ses actions souvent prouvent sa cruauté.