Les Fraters et le Chien Jean Héré (1796 - 1865)

En sortant de Saint-Côme, un jour quelque Fraters,
de s'instruire en leur arc ayant la noble envie,
après avoir formé mille projets divers,
firent celui de prendre un chien en vie,
et de le disséquer. Robin brûlant d'amour,
la gueule ouverte et l'âme émue,
attendoit alors dans la rue
flore qui le payoit du plus tendre retour.
On l'environne, on le caresse, on loue
de son long poil l'éclat et la blancheur,
quoiqu'il soit tout couvert de boue.
Robin vire la queue, et rit de leur erreur.
L'un cependant défait sa jarretière,
et doucement au collier de Robin
la passe, et fait un nœud. Alors la troupe fière
s'écrie avec transport ; allons, marche, mâtin
Robin désespéré, pleure et : résiste en vain,
il faut les suivre, à grands coups d'étrivière ;
l'autre avec son mouchoir le chasse par derrière.
Ah ! quel moment affreux surtout pour un amant
Au fond d'un grenier on se rend ;
le scalpel à la main, la troupe forcenée
entre, et va de Robin trancher la destinée.
Il voit tout le danger dont il est menacé,
il le voit, et ne fait que faire
pour l'éviter. Eh ! comment s'y soustraire ?
mordre, ou grincer les dents, serait-il salutaire ?
Il prit un parti plus sensé.
Le premier qui s'approche est par lui caressé ;
aux autres avec grâce il présente la patte.
Il danse, et de sa queue, en passant, il les flatte.
On se regarde, on rit. Robin s'en aperçait,
et sent au fond du cœur renaître l'espérance.
Il se casse le col. Tubleu ! qu'il est adroit !
disent nos Carabins. —— Il fait la révérence.
On rit plus fort. — Il se tient droit,
monte la garde, et d'un air d'assurance,
se tourne à droite, à gauche, en portant pour mousquet,
sur son épaule un cotteret.
On n'y tient plus : de la troupe ennemie
ce dernier tour calme l'âme adoucie.
Qu'il vive, dit l'un d'eux, et qu'il reste chez nous ;
puisqu'à faire des tours il est vraiment habile,
nous en prendrons un autre, ignorant, inutile :
mes amis, celui-ci doit nous apprendre à tous
combien le talent est utile.





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