Les deux Souris Jean Héré (1796 - 1865)

Deux souris allant à la quête,
Trouvèrent au fond d'un buffet
Un huilier presque plein. « Oh ma sœur, quelle fête ! »
Ça régalons-nous bien. » Mais l'ouverture était
Si petite qu'on n'y pouvait Passer la tête,
Tête d'une souris, s'entend.
Lors de ronger l'huilier, mais il était d'argent,
Et partant à l'abri des efforts de leur dent ;
En murmures confus leur désespoir éclate.
De le verser, on tente vainement,
Il tient trop ferme sur la jatte.
On se regarde tristement :
La seule odeur en est divine ;
Ah ! faut-il, breuvage charmant,
Ne pouvair te toucher quand la soif nous domine ?
L'autre plus alerte et plus fine,
— Laissez m'y rêver un moment
Alors sur sa petite patte
Appuyant son petit menton,
Baissant sa tête délicate,
Les yeux fermés et pensant tout de bon,
Son esprit occupé du projet qui la flatte
Est absorbé dans la réflexion.
— M'y voilà, m'y voilà ma chère !
Dit-elle enfin. « Eh bien, parlez, parlez,
Voyons... comment ? « — Ça regardez-moi faire ?
Et vous m'imiterez après, si vous voulez.
Elle dit, et sa queue est dans l'huilier trempée.
Elle l'en tire, et sans plus de façon
La lèche, et fait une bonne lippée.
L'autre admire l'invention,
Elle en rit, mais elle en profite,
Et dans l'huilier aussi met sa queue au plus vite.
L'une monte, l'autre descend :
On trempe, on lèche,on trempe : enfin dans un instant
Le vase est vide et leur soif assouvie.

La force bien souvent sert moins que l'industrie.





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