La Femme de Xanthus Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

La femme de Xanthus maudissait le destin ;
Maudissait son époux, rêvasseur, pauvre sire,
Philosophe, car c'est tout dire.
Lasse de murmurer, la dame un beau matin
Fait son paquet, s'enfuit chez elle.
C'était divorcer sans façon.
Bref, le pauvre Xanthus se réveille garçon.
Et de pleurer son infidèle.
Nous sommes ainsi faits ; après ce méchant tour
Il devait la trouver plus belle.
« Vous l'aurez, dit Esope, avant la fin du jour.
Je m'en charge.— Vraiment ! dit Xanthus en délire.—
Aussi vrai que je suis à vous.
C'est donc vous obliger ? — Mais cela va sans dire.
Rends la volage à son époux ;
Disons mieux, rends-moi l'esclavage :
Le tien finit demain. — Que bénis soient les Dieux !»
Reprend le Phrygien, qui part leste et joyeux.
Tl porte un grand panier ; chemin faisant, achète
Gibier et volaille et poisson ;
Passe aux lieux où la belle a choisi sa retraite ;
Fait si bien qu'on le voit. « Qu'est ceci, mon garçon ?
Lui dit la fugitive. Etes-vous en frairie ?
Voila de fins morceaux ! Qu'en veut faire Xanthus ? »
Madame..—Eh !bien.—Votre époux.. se marie.—
Vraiment ! — Dés ce soir, mais motus ;
C'est un secret. La presse est grande ;
Entre nous, Xanthus appréhende
De votre part un repentir.
On attend : laissez-moi partir.
Surtout, au nom des Dieux, pas un mot du mystère,
Qu je suis un homme pendu.
Pour moi, je vous aimais : de vous cacher l'affaire
Je me suis en vain défendu.
De ce pas, tout mélancolique,
Je vas commander la musique.
Xanthus aime à changer : nous danserons souvent. »
Tl s'éloigne à ces mots ; enfile une ruelle ;
Prend un léger détour, et retrouve la belle
Chez Xanthus, heureux comme avant.

Livre IX, fable 11




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