« Arrêtez ! arrêtez ! Le fleuve est plus rapide.
La cataracte n'est pas loin. »
D'un bateau voyageur ainsi parlait le guide ;
Mais on le laissa dire, on l'appela timide.
« Vieux trembleur, de tes jours c'est prendre trop de soin.
Risques-tu plus que nous ? Va, laisse-nous conduire.
A nous le gouvernail. Courage. » Un peu plus bas,
Voyant l'esquif doubler le pas,
Deux ou trois bateliers à leur tour osent dire :
« Abordons. Voici le moment. —
Poltrons, silence ! A l'eau qui tiendra ce langage !
S'écrie avec fureur le gros de l'équipage.
Nous allons merveilleusement.
C'est la voguer ! Nous passons l'hirondelle.
Eh ! gens peureux, que craignez-vous ?
Le vol est prompt, mais il est doux. —
Arrêtez ! » cria de plus belle
Un parti plus nombreux toujours.
Grands débats. Cependant l'esquif suivait son cours.
« Arrêtons ! arrêtons ! » dit enfin tout le monde.
Mais trop tard on se mit d'accord ;
Trop tard pour atteindre le bord
On veut couper le fil de l'onde.
On lutte ; on rame : vain effort.
Le fleuve comme un trait s'élance.
Il tombe, et sur d'affreux rochers
Il écrase, en sa chute immense,
La barque et les nochers.