L'Épée, intrépide et fière,
D'un long combat revenant,
Sur le bord d'une bruyère
D'un araire, là gisant,
Rencontra le Soc luisant.
Prenant un ton magnifique,
Et jetant sur le rustique
Certains regards dédaigneux,
Elle lui dit : Pauvre hère,
Oh ! que je plains ta misère ;
Sans cesse fouillant la terre,
Tu ne vois jamais les cieux.
Ton état est vil, ignoble,
Au milieu des paysans ;
En toi, rien de beau, de noble,
Ne peut charmer les passans.
Que ton sort du mien diffère ;
Je brille dans les combats ;
En tout semblable au tonnerre,
Rien n'arrête ma colère ;
Partout me suit le trépas.
Autour de moi le sang coule
En torrens impétueux ;
Et de cadavres en foule
Je jonche les champs poudreux.
Je laisse sur mon passage
Les ruines, le carnage,
Et les désolations ;
Bref, au plus dur esclavage
J'asservis les nations.
Je ne porte point envie
A votre destin brillant,
Répond le soc, et ma vie
Ici s'écoule humblement.
Je déteste, je l'avoue,
Cette gloire qui se loue
Au prix d'un sang généreux ;
En rendant un champ fertile,
Mon désir est d'être utile :
Voilà mon but et mes vœux.