Les Amants et la Fortune Jean-Pons-Guillaume Viennet (1777 - 1868)

« Avec l'amour où peut - on se déplaire ?
Sous des lambris dorés qu'un autre soit heureux.
Lise, tu n'as qu'une chaumière ;
Une chaumière a tous mes vœux.
Si le Destin m'élevait sur un trône,
Ames sujets tu donnerais des lois,
Ou j'abandonnerais le sceptre et la couronne,
Pour la houlette et le hautbois. »

Ainsi parlait, en contemplant sa belle,
Mais en prose moins solennelle,
Un pastoureau plein de candeur,
Ayant plus d'amour dans le cœur
Que d'argent dans son escarcelle ;
Et la naïve pastourelle
Jurait à Blaise avec ardeur
Amour et constance éternelle.

La Fortune qui les entend,
Prend la bourse et le vêtement
D'une laide et riche fermière,
Frappe à la porte du galant,
Et, pour séduire la bergère,
Revêt d'un fermier opulent
L'apparence lourde et grossière.
Adieu chaumière, adieu serment ;
Blaise est meunier, Lise est fermière,
Et leur parole est la poussière
Qu'emporte et disperse le vent.

Ce thème est bien usé, vont dire mes critiques,
J'en suis d'accord, vous pouvez le changer :
Au lieu de Lise et du berger,
Mettez des hommes politiques ;
Faites jurer tous ceux qu'il vous plaira ;
Pourvu qu'ils aient figure humaine.
Si la Fortune reste en scène,
Mon dénouement y restera.

Livre II, Fable 3




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