Courte sauce et servir chaud
Est un précepte de cuisine
Que j'ai toujours trouvé fort beau,
Disait, chez un traiteur, un homme dont la mine
Offrait aux yeux un amateur
Qui tenait bien sa place à table.
Cet homme était un gros auteur
Aussi froid que diffus, en un mot, détestable.
Pour vous, ajoutait-il, s'adressant au traiteur,
Vous avez autre chose à faire,
Et du bon goût, ce précepte flatteur,
Mon cher ami, vous ne le suivez guère.
Au lieu de se fâcher, prenant un ton railleur :
Nous avons tort tous deux, répondit le compère ;
Car convenez, monsieur l'auteur,
Que vous auriez les mêmes avantages
A suivre ce précepte, à si bon droit vanté :
Vous offririez alors dans vos ouvrages
Plus de chaleur et de brièveté.
Aux dépens de l'auteur chacun se mit à rire ;
Le traiteur lui donnait une bonne leçon :
Puisqu'il avait trouvé le précepte si bon,
Il aurait dû le suivre avant de le prescrire.