Un carrier entreprit d'ouvrir une carrière ;
Depuis nombre de jours, piochant soir et matin,
Il ne trouvait encor que du fretin.
Perdant courage, le compère
Regrettait son temps et ses soins.
Hors d'état de pourvoir à ses premiers besoins,
D'abandonner son entreprise
Il allait faire la sottise,
Quand un vieillard lui dit : En quittant, mon ami,
Vous perdrez, j'en suis sûr, le fruit de votre peine ;
Croyez-moi, le déblai dans peu sera fini,
Et vous tiendrez le banc, oui, la chose est certaine.
A ces mots, s'étant mis à piocher de nouveau,
Notre homme découvrit un banc d'un grain très-beau.
Bientôt tout constructeur courut à sa carrière ;
Chacun voulut avoir une si bonne pierre ;
Et le débit fut tel, que le pauvre carrier
Devint, dans peu de temps, un fort riche rentier.
Vous tous qui des beaux arts exploitez la carrière,
Si vous ne déblayez d'abord que du fretin,
Sans vous décourager piochez soir et matin ;
Ce n'est qu'en travaillant qu'on découvre la pierre.