Le Frère et la Soeur Joseph Barthélemy de Feraudy (1762 - 1831)

Tout ne va pas toujours au gré de nos souhaits.
Un très riche bourgeois, bon père de famille,
Avait un beau garçon, mais une laide fille.
A celle-ci plutôt convenaient les attraits ;
Et par caprice la nature
Tout au contraire avait pris soin
De donner la belle figure
A qui n'en avait pas besoin.
Nos deux enfants un jour, dans la chambre du père,
Prirent sur une table, en jouant, un miroir.
Ce fut d'abord pour eux une très-bonne affaire ;
L'un et l'autre aussitôt s'empressent de s'y voir.
Voilà que le garçon s'admire,
Et ne peut s'empêcher de rire
Aux dépens de la pauvre sœur ;
Il se moque de sa laideur.
Celle-ci veut battre son frère,
Et se met si fort en colère,
Qu'elle aurait brisé le miroir,
Si vers eux, sur le champ, le père
Ne fût accouru pour savoir
Le motif de tout ce tapage.
Le bon papa les embrassa d'abord,
Et, s'empressant de les mettre d'accord,
Leur tint cet utile langage :
De briser ce miroir vous auriez eu grand tort ;
Il faut, mes enfants, au contraire,
Bien soigneusement le garder,
Et souvent vous y regarder.
Il est à tous deux nécessaire :
Car en y contemplant, mon fils, cette beauté
Qui flatte votre vanité,
Vous n'irez pas la ternir par le vice ;
Et de vos traits voyant l'irrégularité,
Par vos vertus, ma fille, et par votre bonté,
Vous saurez du destin réparer l'injustice.

Livre II, fable 53




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