Le Frère et la Sœur Théodore Lorin (19è siècle)

Une sœur qui n'avait ni tournure ni grâce,
Aigrement gourmandait un jour
Son frère beau comme l'Amour.
« Eh quoi ! les yeux toujours fixés sur cette glace !
Beau passe-temps, en vérité,
Pour un adolescent ! Que nous, faites pour plaire,
A qui la grâce est chose nécessaire,
Nous admirions notre beauté,
Rien de mieux ; mais un homme aspirer à la gloire
De séduire les cœurs et de charmer les yeux.!
Au lieu de vous vanter d'une telle victoire,
Vous devriez être honteux. »
D'un lieu voisin leur tendre père
Avait entendu ce discours
Dicté par un transport de jalouse colère.
« Mes chers enfants, dit-il, consultez tous les jours
Ce fidèle miroir. Vous y verrez, ma fille,
Que vous devez par la douceur
Et les dons réunis de l'esprit et du cœur,
En vous rendant chère à votre famille,
Faire oublier votre laideur.
Vous, mon fils, trouvez-y cette leçon utile
Que sans la vertu, le talent,
L'extérieur le plus charmant
N'est qu'un avantage inutile.
Qu'est-ce que dans un homme on prise ? La valeur,
L'enthousiasme de l'honneur,
Un cœur franc, généreux, une âme inébranlable
Avec courage affrontant le malheur.
Qui ne cherche qu'à plaire est souvent méprisable.
Surtout, mes enfants, aimez-vous :
Qu'une amitié ferme et durable
Écarte de vos cœurs tout sentiment jaloux.
A cette union fraternelle
Vous devrez la douce gaîté
Et la santé sa compagne fidèle.
Sur vos traits régneront cette sérénité,
Cet air ouvert, ce calme inaltérable,
Ce charmant abandon et ce sourire aimable
Préférables à la beauté. »

Livre VI, Fable 9




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