Doit-on donner à l'opulence
Sur la santé la préférence ?
Agitant cette question,
Deux jeunes gens prirent querelle.
Tous deux ils soutenaient leur avis avec zèle ;
Chacun croyait avoir raison,
Comme c'est toujours l'ordinaire,
Quand d'opinion l'on diffère.
Certain passant ayant tout écouté,
A l'un des champions s'adresse :
C'était à l'avocat plaidant pour la richesse.
Il était le plus entêté ;
Et croyant avec vanité
Qu'il avait gagné la partie,
Il s'en allait, criant partout :
Messieurs, quiconque est riche est tout,
Et sans argent, l'honneur n'est qu'une maladie.
Vous vous trompez, dit le passant ;
Il me sera, je crois, facile
De vous prouver que pour l'argent
Vous avez tort de trop vous échauffer la bile.
Se fatigant et l'esprit et le corps,
Des mortels la foule importune
Etourdiment court après la fortune,
Et fait pour l'obtenir souvent de vains efforts.
De cette inconstante déesse
Chacun veut avoir la faveur,
Mais la folle ardeur qui nous presse
N'est à coup sûr qu'une erreur.
La santé seule est désirable ;
Elle est pour les humains le vrai bien préférable.
Ce n'est pas ce que croit le vulgaire ignorant,
Car rien n'est, selon lui, préférable à l'argent."
Vous le savez très-bien ; mais cette préférence
Est, je vous le répète, une très-grande erreur.
L'argent seul, après tout, ne fait pas le bonheur,
Et la santé nous fait jouir de l'existence.
Écoutez de la vérité
Ce conseil sage et salutaire :
Préférer l'or à la santé,
C'est laisser la réalité
Pour embrasser une chimère.
Auprès de l'écolier notre sage orateur
Perdit et son temps et sa peine.
Ne voit-on pas, hélas ! la faible espèce humaine
Sacrifier à l'or même jusqu'à l'honneur !