Un de ces aigrefins qu'on nomme parasites,
Qui font aux gens visites sur visites
Pour attraper quelques repas,
Et qui n'épargnent point leurs pas
Quand il est question de manger et de boire,
Un jour, dans un dîner, convoitait une poire.
Comme pour la piquer il allonge le bras,
Son couteau glisse, et fend l'assiette.
Il en fut si penaud, que dessous sa serviette
Il eût voulu pouvair en cacher les éclats.
Notre patron, qui de ce parasite
Trop fréquemment essuyait la visite,
Pour le mortifier, profitant de ce cas,
Sans avoir besoin d'interprète,
Lui dit : Monsieur, on peut piquer l'assiette,
Mais apprenez qu'on ne la casse pas.
L'amphytrion fit bien : car rien n'est plus blâmable
Et plus abject que ces gourmands
Qu'on voit courir de table en table.
Bas flatteurs et vils complaisans,
De vous prôner ils se font une gloire,
Tant qu'on veut bien exercer leur mâchoire ;
Mais si chez vous quelque triste accident
Vient à renverser la marmite,
Ils rengaînent leur compliment,
Et vous tournent le dos bien vite :
Heureux si pour remercîment,
Cette race avide et maudite
Ne glisse pas, dans ses discours,
Contre vous quelque raillerie !
Mais n'allons pas fronder les gourmands de nos jours :
Ce serait s'exposer à trop forte partie.