Le Globe aérostatique Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Pour rendre compte au maître du tonnerre
Des progrès de l'esprit humain,
Mercure était descendu sur la terre.
Il vit Charle et Robert avec un front serein,
Aux acclamations d'une foule innombrable,
S'élever vers le ciel majestueusement
Dans un char emporté par un gaz inflammable.
Chacun saisi dans ce moment
De plaisir et d'effroi, sentait couler ses larmes.
De ce phénomène nouveau,
Mongolfier, son auteur, sans crainte, sans alarmes,
Contemplait d'un œil sec le sublime tableau.
Témoin de cette expérience,
Mercure dans les cieux revola promptement,
Fit assembler tous les Dieux à l'instant,
Et leur dit avec véhémence :
« Les mortels ont franchi les mers ;
Ils ont découvert la boussole
Qui les conduit de l'un à l'autre pôle
Sur ce vaste élément théâtre des revers ;
Le compas à la main, ils mesurent la terre,
D'un œil observateur ils lisent dans les cieux ;
Et ta foudre, ô maître des Dieux,
N'est pour eux qu'un vain bruit quine les trouble guère !
Franklin sut détourner tes coups :
De l'électricité pénétrant le mystère,
Il leur enseigna l'art d'enchaîner ton courroux
Et d'échapper à ta colère.
L'art tardif de franchir l'immensité des airs,
Cet important secret tourmentait leur génie :
Le tems devait un jour l'apprendre à l'univers ;
Il ont enfin satisfait leur envie
Et leurs désirs ambitieux.
J'ai vu, poursuivit-il, dans un leste équipage,
Deux mortels s'élever vers la voûte des cieux,
Suspendus par un globe en forme de nuage.
Souffrirons-nous, qu'avec témérité,
Orgueilleux d'un secret qui leur sera funeste,
Les mortels dans un char céleste
S'approchent aussi près de ta divinité ? »
Non, non, dit Jupiter, souriant avec grâce,
Ils sont très-loin d'exciter ma fureur,
Et j'aime en eux une si noble audace.
Laissons-les se fier à ce globe enchanteur ;
Quand ils auront enfin bien parcouru l'espace,
Ils connaîtront mieux ma grandeur. --

Livre II, fable 1




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