Deux bassets, descendant de la même lignée
Et remontant jusqu’aux anciens,
Deux frères, je dirais, s’ils n’avaient été chiens,
Trottinaient le nez bas, la mine rechignée,
À travers bois et champs, pour chasser le blaireau
Et tous ces beaux rongeurs qui font basse-cour nette.
Ils venaient d’en laisser plus d’un sur le carreau,
À plus d’un ils venaient de donner la venette
Quand ils virent un loup
Accourir tout à coup.
— Vils bassets, hurlait-il de loin, je me fais gloire
De vous croquer tous deux
En deux coups de mâchoire !
— Montrez donc, maître loup, votre museau hideux,
Répondirent les chiens de chasse,
En s’élançant avec audace
Vers l’habitant des bois.
Quand le loup vit les chiens s’élancer à la fois
Il s’arrêta.
— Songeons, se dit-il, à la force
Qu’ils trouvent dans leur union,
Et changeons notre plan. Sous une rude écorce
Il vaut mieux sembler doux, c’est notre opinion.
— Je connais ta valeur, elle est incontestable,
Et j’ai regret de mon emportement —
Affirme-t-il bientôt, avec serment,
À celui des deux chiens qui paraît plus traitable —
Mais laisse-moi donner une leçon
De ma façon
Au malappris qui m’a jeté l’injure ;
Ce sera court, je te le jure.
Le chien vanté s’éloigne aussitôt quelque peu,
Et l’autre est dévoré malgré tout son courage.
— Maintenant, dit le loup, finissons notre ouvrage ;
Ce que j’ai fait n’était qu’un jeu,
Mon ami, ne vous en déplaise.
Et, tombant sur le traître, il l’égorge à son aise.
Ô mes concitoyens qui luttez pour le droit,
Je voudrais vous faire comprendre
Qu’en restant divisés vous vous ferez surprendre
Par notre ennemi plus adroit !