Les deux Ânons

Léonce Pontonnier (17?? - 18??)


Deux ânons, gros et gras, entrèrent en service
Chez le même meunier. L’un, doux et sans caprice,
Démentait le renom
Que justement ou non
Ses pareils ont acquis. L’autre était au contraire
Entêté, paresseux, de mauvais caractère ;
L’un transportait le grain
Lestement au moulin.
Ne commettant jamais la plus mince incartade,
Et jamais ne donnant coups de pied ni ruade ;
L’autre allait pas à pas
Ou bien ne marchait pas
Quand il était chargé. Jetant son sac à terre,
Souvent il se roulait le dos dans la poussière ;
À travers prés et bois
Il s’échappait parfois,
Et fort tranquillement il se mettait à paître,
Cependant qu’après lui courait son pauvre maître ;
Puis il injuriait,
Critiquait et raillait
A chaque instant du jour son compagnon docile,
Le traitait d’intrigant, d’ânon lâche et servile.
Prompt à s’humilier,
Devrai gâte-métier….
On devine aisément qu’un système semblable
N’eut pas, pour son auteur, d’effet bien agréable.
Les coups pleuvaient d’abord
Et fréquemment et fort
Sur la peau du baudet, et lorsque son confrère
Trouvait chez lui, le soir, du sou, une litière,
Notre méchant ânon
N’avait pas un chardon ;
Aussi maigrissait-il. Bref, il tomba malade.
Et repentant alors dit à son camarade :
Si j’échappe au danger
Je veux me corriger. »

Quelque condition que le sort nous assigne





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