Les deux Passants et le Chiens Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Un voyageur au front calme s'avance,
Et d'un pas lent traverse le faubourg ;
D'un cabaret un chien hargneux s'élance, '
Qui jappe, gronde et derrière lui court.
Sans s'émouvoir de tout ce Vain tapage,
Sans agiter son bâton dans sa main,
Le voyageur, grave et froid personnage,
D'un pas égal marché et suit son chemin;
Jugeant, alors son attaque inutile,
Maître Aboyard regagne son asile.
L'instant d'après passe un page hardi,
Cheveux crépus, œil vif, moustache blonde,
Type d'espiègle et de franc étourdi.
Du cabaret le chien sort, jappe et gronde.
Résolument mon beau page aussitôt
Se met en garde et tient tête au clabaud :
De sa cravache il l'excité, il l'agace,
Et, lui lançant les pierres qu'il ramasse ,
Veut le contraindre à rentrer dans son fort.
Enfin le chien, que sans relâche il pressé,
Sur lui s'élance, en hurlant de détresse,
Et furieux à la jambe il le mord.
Aux cris perçants que pousse alors le page,
Les polissons de tout le voisinage
Sont accourus, et de battre des mains.
Notre héros, bafoué de la sorte,
Eût volontiers assailli ces gamins,
Mais contre lui la partie est trop forte ;
A la tempête il voit qu'il faut céder,
S'il ne veut pas se faire lapider.
Tout boiteux donc il part, et la Cohue,
Qui se grossit en son chemin ,1e hue;
Et, pour surcroît, tous les chiens de la rue,
Qu'il n'ose plus cette fois châtier,
En le suivant ne cessent de crier.

Un sage enseignement sous ma fable se cache :
Si jamais aboyeur impudent et hautain,
L'invective à la bouche, à te suivre s'attache,
Ami, n'y prends pas garde et passe ton chemin.

Livre IV, Fable 13, 1856




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