Deux grands admirateurs de Pluche et de Buffon,
L'œil collé sur un verre en forme de lentille, '
Examinaient de près les poils d'une chenille,
Et la trompe d'un Papillon.
Je ne les blâme point. Dans le siècle où nous sommes,
C'est prudence vraiment de borner ses travaux
A l'étude des animaux :
Il est si dangereux de s'occuper des hommes !
Un troisième savant, dans la salle introduit,
Dit, en entrant : messieurs, à moi le microscope !
Ma nymphe a, ce matin, brisé son enveloppe,
Et j'ai dans ce carton, le Papillon de nuit
Le plus beau qui soit en Europe !
A vous croire pourtant, cette nymphe devait
Produire un papillon sans plumes, sans duvet !
Contre vous, aujourd'hui, la nature décide,
Et prouve que j'ai, seul, connu ma chrysalide.
Quoi ! vous me regardez avec étonnement !
Me soupçonneriez-vous de vouloir... ? — Nullement.
Votre bonne foi nous rassure ;
Mais on peut se tromper ; et souvent la nature...
— Elle a parlé, vous dis-je, et parlé sans détour.
Écarquillez vos yeux... voyez, je vous conjure...
A ces mots, au carton il donne un peu de jour...
Adieu le Papillon ! Vers les jardins de Flore
Il vole, à tire-d'aile, et l'oeil, en vain, le suit.
Était-ce un Papillon de nuit ?
C'est ce qu'on ne sait pas encore.
Ainsi la vérité fuit le regard humain.
Ce n'est que de fort loin que sa beauté nous frappé ;
Et souvent, quand on croit la tenir sous la main,
Elle s'envole, et nous échappe.