Le Paysan de Babylone Louis-Jules Mancini-Mazarini (1716 - 1798)

Dans le palais de Babylone
Un paysan s'assit sur le trône du roi.
Un vilain s'assoit sur le trône !
Qu’on s'imagine quel émoi
Quand on s’en aperçut ! On appelle les gardes ;
On berne, on frotte le manant ;
On vous l’assomme de nasardes,
Et jamais acte impertinent
Ne fut puni de maniéré plus forte.
Le roi qui voyait tout a travers une porte,
Trouva le spectacle amusant.
Ce prince était mauvais plaisant:
Je n’aime pas les rois de cette sorte.
Tout-à-coup paraît, et d'un ton goguenard ;
Quo i! dit-il, vous pleurez pour-un brin de gourmade !
Fi donc, bonhomme ! il faut être gaillard
Quand on prend place à la royale estrade ;
La devise du roi, malheureux ou malade ;
C'est bonne mine à mauvais jeu
Oh ! vraiment, monseigneur, répond le camarade,
Je suis fait à la bastonnade,
Je ne me plains pas, pour si peu
Et c’est pour vous seul que je pleure.
Si j'ai tant souffert tout à l'heure
Pour m’être mis pendant quelques moments bien courts
Sur cet escabeau de velours
Où m’ont estropié vos suisses ;
Vous qui vous y mettez, m'a-t-on dit, tous les jours,
Quels doivent être vos supplices !

Livre I, fable 8




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