Dans le creux d’une idole un rat fut se loger.
C’était tout au mieux s’arranger.
Chaque jour taureaux et génisses ,
Immolés dans les sacrifices,
De leur sang, de leur graisse arrosaient le saint lieu ;
Le rat en faisait ses délices:
A proprement parler, ce rat était le dieu;
Il le croyait peut-être, et se trompait de peu.
Mais enfin, ici-bas chaque chose a son terme ;
C’est l’ordre du destin, dont les communes lois
Enchaînent les rats et les rois.
Le piédestal du dieu n’étant pas assez ferme,
L’idole trébucha, se rompit en morceaux.
Le temple fut désert. Les prêtres, les dévots
A d’autres autels s’attachèrent,
Où peut-être à leur tour d’autres rats se nichèrent.
Pour le nôtre , bientôt la faim le réduisit
A sortir du pieux asile
D’où jadis il bravait tous les chats de la ville ;
Et ce malheur le conduisit
A périr en sortant du temple.
Il fut étranglé par un chat :
Laissant aux siens ce grand exemple ,
Que la fortune passe, et qu’un rat n’est qu’un rat.

Livre I, fable 3




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