Bien que divers de caractères,
En vrais amis , je dirais presque en frères,
Sous même toit vivaient Black et Raton.
Leur tendresse était sans égale ;
On eut dit Nisus, Euriale ;
C'était un échange, un concours
De doux émoi, de douce joie;
Les Parques d'une même soie,
Semblaient se plaire à dévider leurs jours.
Pourtant un grain de jalousie
Finit par germer dans leurs cœurs ;
C'en fut assez pour briser leur bonheur.
Un baiser par bouche jolie
De préférence à Raton octroyé
Fut pour Black grief d'amitié,
Et plutard, douce friandise
De même a Black par privilège acquise,
Fat pour Raton levain d'inimitié.
De leurs jeux troublant l'innocence,
Dés lors de crocs aigus Black trahit le secours
Et trop souvent sous pattes de velours
De ses griffes Raton accuse la présence.
Leur cour de fiel épais s'emplit incessamment ;
De jour en jour le conflit s’envenime;
La guerre n'est bientôt plus faite a la sourdine,
Mais sans nul masque, ouvertement,
La dent mord ; la griffe déchire.
Si dans le monde, hélas ! on ne fait pire,
Que de gens voyons-nous sur ce modèle agir !
On débute par se chérir,
Et l'on finit par se détruire.

Livre VI, fable 1


Alger, 20 Mars 1854.

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