Le Naufrage et la Providence Louis-Maximilien Duru (1804 - 1869)

Un navire avait fait naufrage :
Meubles, barils, vivres, ballots,
Toute la cargaison voguait au gré des flots.
Un pauvre Naufragé vit venir au rivage
Un débris de biscuit. Il avait faim, grand faim.
Il approche, il étend la main ;
Il croyait le tenir, il le croquait d'avance,
Quand, du fond de l'onde, un dauphin
Aperçoit ce festin,
Nage, monte, s'élance,
Et du triste marin
Dévore l'espérance.
Ce contre-temps vient redoubler ses maux.
Mais il dit : « Dieu nourrit toutes les créatures. »
Il espère, il regarde et voit des dattes mures
Abondamment pendant à leurs rameaux.
Il grimpe à l'arbre, à souhait il en use,
Et, malgré son malheur, fait un complet repas.

En toute occasion, ne désespérons pas.
0 Providence, à tort l'homme t'accuse !
De ce qui nous convient, Dieu seul a bien jugé,
Et c'est pour donner qu'il refuse.
J'espérais un biscuit, un autre l'a mangé ;
Perdrai-je ici toute espérance ?
Non pas ; car, à mon tour, je serai soulagé
Au banquet de la Providence.
Oui, mon heure viendra, j'y compte par avance.
Pourquoi n'aurais-je pas ma place à ce banquet,
Puisque Dieu pour chacun l'a fait'

Livre II, fable 9




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