La Fortune et le Songe Magnus Gottfried Lichtwer (1719 - 1783)

La Fortune accablée de fatigues avait sommeillé durant la plus grande partie de la nuit dans la cabane d’un Berger. Ha ! fi quelque Conquérant eu feu, qu’elle était là, il eut employé cent mille hommes à invertir la cabane ! comme elle s’éveillait, un Songe agréable fendit l’air à côté d’elle avec ses ailes argentines. Elle lui souhaita le bonjour, en se frottant les yeux : Ha ! ha ! d’où viens-tu ? lui demanda, telle? Tu m’as l’air bien content et j’en suis bien aise; te voilà tout à point pour m’aider a secouer l’humeur noire , qui me tient depuis hier. Je viens de la ville, répondit l’Ombre légère; j’ai été porté par le Zéphyr du matin dans l’appartement d’une jeune beauté , à qui ma présence a fait passer le tems bien agréablement Apprends-moi, je te prie, reprit-elle en souriant, fous quelle forme tu t’es présenté? Je fuis arrivé répliqua-t-il , dans un carrosse doré, traîné par six coursiers fringants. On m’annonce et les portes tombent devant moi. J’entre suivi jusques dans l’antichambre d’un nombreux cortège de grands laquais à l’air insolent; j’étais Marquis ; Marquis de la Vieille Roche et cependant aussi riche qu’un Marquis d’hier au soir ; ajoutez que je prétendais épouser. Un Marquis a des millions et des prétentions, la tête de bien des filles tourneront à moins.. Chacune de mes œillades était fui-vie d’un présent ; tu fais ce que c’est qu’un présent, ma chère Fortune, et comme ce langage fait ouvrir l’oreille à tes clients. Hé bien ! nos jeunes beautés commencent aussi à le trouver assez intelligible. Enfin, j’étais aux genoux de celle-ci, je suppliais, je pressais ; on me permettait d’espérer ; on me... on me tendait une main , que j’allais baiser, lorsque le soleil est venu me chasser, bien mal-à-propos ; aussi suis-je très persuadé que ma prétendue se fera voluptueusement éveillée. Je n’oserais répondre qu’elle fasse confidence à personne de tout ce qui s’est passé dans notre entretien, mais je répondrais bien, qu’elle en sera de bonne humeur toute la matinée. Je ne fuis pas si heureux, dit la Fortune avec dépit. J’entrai naguère dans la maison d’un marchand ; il devint riche et noble ; j’en avais fait un petit Comte au moins, de ce marchand là ; mais on ne peut pas être partout ; j’avais affaire ailleurs et je ne lui ai pas eu plutôt tourné le dos hier, qu’il s’est allé pendre de rage dans son jardin. Pourquoi faut–il que l’on se souvienne de toi avec tant de plaisir, pendant que des ingrats, que j’ai comblés de mes faveurs, ne pensent à moi, quand je les ai quittés, que pour me maudire et se désespérer ? Suis-je donc moi-même autre chose qu’un Songe ?

Une autre traduction. Le titre lui-même a changé:

Le bonheur et le rêve.

Le bonheur, le bonheur las, resta couché et dormit dans la tonnelle d'un berger la majeure partie de la nuit.
Si un héros l'avait su, je crois qu'il
L'aurait gardé avec cent mille hommes.
Ici un rêve passa et troubla son sommeil. Un
Bonheur à demi éveillé l'appela :
Tu es le bienvenu dans mon grand chagrin,
Mais dis-moi, d'où es-tu revenu si tard ?

Je viens de la ville avec le vent du matin, porté par l'ombre,
D'un enfant bien formé,
Dont ma présence a raccourci la nuit.
Le Bonheur a commencé à rire amicalement
et a dit : Si vous l'aimez tellement,
alors dites-moi quel genre de choses vous
lui avez présenté ce soir-là.

Il dit : Je suis venu avec une calèche et des chevaux.
Les portes s'ouvrirent pendant que je parlais.
Une armée de serviteurs dorés me suivit avec des gestes sages

J'étais baron, et ce n'était pas un nouveau venu.
J'avais de l'argent, je voulais être baron ;
Riche, M. Baron et prétendant,
les mots vous transpercent les os.

Les cadeaux suivaient chaque regard,
Tu sais à quoi sert un cadeau,
Et les filles sont trop douées
dans ce langage, cher bonheur.
Enfin, je tombai moi-même à ses pieds.
Je la suppliai et reçus sa parole.
Puis le jour vint et me chassa

En attendant, mon enfant se réveillera certainement heureux,
Et si elle ne dit rien de moi à personne,
Elle rira en secret toute la matinée.
Je ne vais pas aussi bien que toi,
La chance a répondu par des gestes tristes,
Je suis récemment arrivé chez un marchand,
Je l'ai laissé devenir riche et noble,
Il est devenu un demi-comte.
Mais hier, je lui ai tourné le dos
Et il s'est pendu à un arbre ;
Pourquoi dois-tu avoir plus de chance ?
Ne suis-je pas un rêve comme toi ?

Livre I, Fable 3




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