Des animaux vivant en république,
Dun roi qui gouvernait des animaux comme eux,
Réclamaient une dette et douteuse et modique.
C’était pour la discorde un texte fort heureux.
Maint orateur, montant à la tribune,
Réchauffa le venin d'une vieille rancune;
Et les meneurs s’unirent par serment
Pour empêcher un accommodement.
Parmi les prêcheurs de guerre
Était un ours à la voix de tonnerre.
Mauvais sujet d’ailleurs,
Et reconnu général des brailleurs.
Ce fut à sa requête
Qu’on mit flamberge au vent, que sonna la trompette.
Plus d’une mère en pleura,
Plus d’une belle en soupira.
La jeunesse bouillante et de gloire affamée
En chantant fit son sac et partit pour l’armée.
Les chiens furent choisis
Pour éclairer la marche et fouiller les taillis,
En avant des chevaux qui formaient les deux ailes ;
Un peu sur le coté voltigeaient les gazelles;
Au centre étaient les éléphants,
Qu’à petite distance appuyaient sur les flancs
Les bœufs et les taureaux, les cerfs et les licornes,
Et tous les autres porte-cornes;
Phalange redoutable, et qui, le front baissé,
Présentait un rempart de pointes hérissé.
Les mulets, gens têtus, terribles par derrière,
Furent mis en réserve et placés en arrière ;
Leur escadron devait, en cas d’un accident,
Aux ennemis relever la visière,
Et leur montrer que le pied vaut la dent.
On n’osa point a l’ours assigner une place ;
On pensait bien qu’il chasserait de race ;
Et le public, rappelant ses discours,
Disait qu’aux ennemis, dans son humeur gaillarde,
I] jouerait quelques bons tours;
Et que, pour leur donner bientôt mainte nazarde,
Il se mettrait sans faute a l'avant-garde.
C'est a quoi l’ours pensait le moins.
Il se chargea du fourrage,
Et, prenant poste au milieu du bagage,
A s’engraisser il mettait tous ses soins,
Lorsqu’un parti parut 4 demi-lieue,
Et du convoi vint entamer la queue.
A courir au trésor sire ours fut diligent,
Pour décamper plus vite il se chargea d’argent.
De ses pareils on trouverait un mille,
Vrais couards dans les camps, boute-feux a la ville,
Et dont le savoir-faire a sauvé des écus
Qui, pour Etat, ont bien été perdus.