Souvent de ce qu'on a l'on néglige l'usage,
Et de ce qu'on n'a pas on est le plus tenté.
La Cire ayant reçu la mollesse en partage,
Bien loin de s'applaudir de cette qualité,
À la Brique, au contraire, enviait l'avantage
De son extrême dureté.
On peut aller jusqu'au délire
Avec un faux raisonnement.
« La Brique, disait- elle, a pour son élément
Un limon plus mou que la Cire ;
L'argile étant pétrie, on a soin de la cuire ;
Quand on la sort du feu, son corps est endurci.
Que l'on veuille ainsi nous conduire,
On nous rendra solide aussi !
La Brique répondit : Quelle erreur est la vôtre !
Ce qui sert à l'un, nuit à l'autre.
Pour vous, noble fille du ciel,
L'abeille sur les fleurs vous pompe avec le miel !
Moi, je suis fille de la terre ;
Un art assez commun décide mon emploi.
Puisque entre nous deux tout diffère,
Pouvons-nous toutes deux suivre la même loi ?
La partie est trop inégale. »
La Cire, loin de l'écouter,
Crut pouvair par le fait confondre sa rivale :
Dans un brasier ardent elle alla se jeter ;
Mais elle eut lieu de regretter
Cette expérience fatale.
Elle avait eu l'espoir flatteur
De fournir à l'art du sculpteur
Des blocs, d'où sortirait mainte belle statue ;
Le marbre de Carrare aurait été moins blanc !
Mais, hélas ! du brasier brûlant
La pauvrette sortit fondue,
Et répétait, en s'écoulant :
« J'ai mérité mon sort, je me suis méconnue. »
Ne vous fiez pas trop à la première vue ;
L'effet montre divers ce que l'on crut pareil.
Au mépris d'un sage conseil,
La Cire veut jouer le rôle de la Brique ;
Mais des ailes d'Icare on sait que la fabrique
- Ne tint pas au feu du soleil.