Debout sur un beau char, couvert de galons d'or,
Et parlant, en plein air, d'une voix de Stentor,
Un diseur de bonne aventure,
Sur la place publique, attroupait les badauds.
Il lisait, dans leurs mains, leur histoire future.
La foule environnait ses mobiles tréteaux ;
Et cet oracle de la foire
Imposait un tribut sur le besoin de croire
Des gens d'esprit comme des sots.
Tandis qu'autour de lui cette tourbe insensée
Se presse, et croit ouïr l'oracle du destin,
Ace donneur d'avis, un avis plus certain
Apprend qu'en son absence une porte enfoncée
Introduit des filous, avides de butin,
Dans sa maison qu'ils ont forcée.
Que faire en ce péril urgent ?
Le Devin, qui pâlit de la triste nouvelle,
Tourne son char en enrageant,
Et court, bride abattue, où le danger l'appelle.
Envoyant ce prophète à fuir si diligent,
Parmi les assistants une bonne cervelle
Dit : «Ce drôle, à coup sûr, attrapait notre argent.
« Admirez son talent suprême !
Du sort d'autrui qu'a pu savoir
Celui qui n'a pas su prévoir
Le sort qui l'attendait lui-même ? »

Il est à ce sorcier bien des sorciers pareils,
Sans relâche occupés d'affaires étrangères,
Prodiguant pour autrui leur temps et leurs conseils,
Et négligeant le soin de leurs propres affaires.

Livre I, fable 10




Commentaires