Les deux Chiens Nivet Desbrières (18ème siècle)

Passant près d'une boucherie,
Maître Sultan las de jeûner,
Prit un morceau de chair qui lui faisait envie ;
Et comme il s'apprêtait à faire un bon dîner,
Mondor pressé de faim égale,
L'apercevant à l'imprévu ;
Sultan, lui cria-t-il, as-tu donc la fringale ?
Pour un diner, ma foi, te voila bien pourvu,
Est-ce ainsi que l'on te régale ?
Si les gens que tu sers ne peuvent te nourrir
Autant vaudrait courir la rue.
Pour moi j’aimerais mieux mourir
Que de manger de la chair crue.
Mon Palais est plus délicat.
Je viens en notre hôtel de goûter un bon plat,
Et de bon cœur, ami, je t'en offre le reste :
Crois-moi, fans te farcir de ce mets indigeste,
Tu trouveras chez nous un rôti de mouton.
Le crédule animal y courut plein de joie ;
Mais pour mortifier son appétit glouton,
Tl fut fort rudement accueilli du bâton ,
Et de retour chez lui, ne trouva plus sa proie.

L’Anglais, en ses chansons,
A fait revivre cet adage ;
Un oiseau dans la cage
Vaut mieux que trois dans les buissons.
Lecteurs, d'après l'expérience,
J'y joins cette vieille sentence:
Ce que "on tient il faut bien le tenir
Sans faire fonds sur l'avertir .
Sans se flatter d'une vaine espérance.

Fables nouvelles, fable 6




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