Pollux ou l'école de la vie

Pauline Huber (17?? - 17??)


Un beau chien doué de finesse,
D’un caractère honnête et doux
Était encor dans la jeunesse ;
Charmant, il avait des jaloux ;
De là, mille tracasseries ;
Ou lui cherchait mille défauts.
Sage, il bravait les railleries
Comme le passe-temps des sots.
Il espérait qu’une tendresse,
Répondant enfin à son cœur.
Le comblerait de douce ivresse,
Car, jeune, il croyait au bonheur.
Mais bientôt, de chances, fâcheuses,
Il est accablé par le sort;
On dit de lui choses affreuses :
Le malheureux a toujours tort !
D’un beau château, chassé bien vite,
Pollux, ton malheur est complet;
Tu chéris ton maître, il t’évite :
Ton air souffreteux lui déplaît.
Pour le chien banni, plus de fête,
Sa vie est toute de douleurs,
Le chagrin lui tourne la tête.
Un jour, les yeux baignés de pleurs :
« Pourquoi donc gémir davantage,
À quoi me sert de vivre ainsi ?
J’aime mieux tomber avant l’âge
Que de mûrir dans le souci.
Que l’homme attende, s’il espère,
Une autre vie, un temps meilleur;
Au ciel, moi, je n’ai pas affaire.
Finissons avec le malheur !….
Hélas! depuis l’adolescence
Mon cœur sans cesse a dû souffrir,
En vain à la reconnaissance
Mon dévouement venait s’offrir !
Et malgré ma constante flamme,
En amitiés, comme en amours,
Pauvre chien, j’ai souffert toujours,
Et comme si j’avais une âme ! »
Il dit — et livre son destin
Aux flots de la mer toute blanche
Comme une nappe de festin.
Près de la vague qui se penche
Pour le bercer… dernier espoir !
La chienne, petite-maîtresse,
Le contemple et fuit sa détresse,
De crainte d’en rêver le soir.
Puis, un chat suit la même trace :
Mouiller ses pattes ! eh pourquoi ?
Pour un ennemi de sa race !
Que chacun, dit-il, pense à soi
Et songe aux siens. (C’était fort sage.)
D’enfants, vient un essaim bruyant,
Du plaisir, contraste effrayant
Auprès du malheur qui surnage;
Pour le mal, ils sont tous d’accord,
L’air retentit de folle joie,
Et chacun d’eux jette du bord
Une pierre au chien qui se noie.
A l’infortune, le tourment !
Et, dans une brillante vie,
La pierre que jette l’envie,
Princes, me semble un diamant.





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